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5 questions à une experte en affaires sociales

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Notre série « 5 questions à un expert » est consacrée cette fois à Isabelle Bastien, conseillère en études et affaires sociales. Elle est aussi en charge de la Commission des Questions Sociales qui discute de tous les points en rapport avec les services de ressources humaines du secteur, c’est-à-dire les sujets d’actualité ou relatifs à des négociations avec les syndicats telles que la négocation de l’accord sectoriel tous les deux ans. Outre ces responsabilités, Isabelle s’occupe de la gestion opérationelle de l’asbl Expecto dont l’objectif et de recruter et former des médecins-conseils pour pallier la pénurie de cette spécialité dans le secteur. 

1. Le dernier rapport de l’emploi est sorti il y a quelques mois. Comment le profil des collaborateurs du secteur a-t-il évolué ces dernières années ?

Le premier constat est la part des travailleurs de sexe féminin qui est en (légère) constante augmentation. En 2022, elles représentaient 55% des effectifs du secteur de l’assurance. L’âge moyen est de 45,6 ans et il aussi est en légère hausse. Le secteur occupe 53% de travailleurs de plus de 45 ans, contre 50% en 2013. 
Notons aussi qu’un cinquième des travailleurs est occupé à temps partiel et deux cinquièmes sont des cadres. La part des cadres est d’ailleurs en hausse au fil du temps : en dix ans, ils sont passés de 33% à 40% ; la majorité des collaborateurs reste toutefois constituée d’employés. Quant aux diplômes, la formation de base de ceux qui entrent dans le secteur est une formation supérieure ou universitaire à 80%. 
Enfin, le taux d’emploi dans les assurances, de manière générale, est légèrement en baisse depuis dix ans, passant de 23.000 collaborateurs à 21.000 en 2022. Mais on n’a jamais autant engagé que l’année dernière : 2.000 personnes en 2022 alors que la moyenne annuelle se situe entre 1.000 et 2.000 nouveaux collaborateurs.

2. Dans une période marquée par la guerre des talents, le secteur est-il toujours en quête de talents particuliers et/ou rares ? Lesquels ?

De nouvelles fonctions ont fait leur apparition en dix ou vingt ans mais le secteur recrute toujours pour des fonctions qui existent depuis de longues années, comme les profils de gestionnaires de dossiers sinistres. Les candidat-es expériménté-es en la matière avec une maîtrise des deux langues nationales sont d’ailleurs très recherchés. Il y a également les profils de contacts à la clientèle ; une fonction pour laquelle le roulement est important dans les entreprises d’assurance. La pénurie en actuaires reste, elle aussi, présente depuis des années. 
Parallèlement à ces fonctions spécifiques au métier d’assureur, le secteur recherche des collaborateurs dotés de soft skills, bilingues et des profils que la loi du marché du travail rend difficiles à dénicher parmi lesquels les métiers juridiques – juristes, compliance officer/manager -, les profils ICT, chefs de projets, business analystes. Ces profils sont d’ailleurs prisés par tous les secteurs. Il y a également une demande importante de team leaders aussi bien expert-es dans les questions assurantielles que doté-es de compétences en relations interpersonnelles et gestion des ressources humaines. Autre profil prisé : les spécialistes en gestion des données. 
Pour finir, le secteur manque de médecins conseils. Pour pallier ce manque, le secteur a créé l’asbl Expecto, chargée de les recruter et de les former à travers des stages. 

3. Les négociations sectorielles entre partenaires sociaux ont abouti le 22 novembre dernier à un accord sectoriel. Cet accord 2023-2024 prend la forme de douze conventions. Cet accord marque-t-il la fin des discussions au niveau du secteur avant la reprise de négociations au printemps 2025 ?

Il faut savoir qu’un accord sectoriel couvre un large éventail de sujets différents. Certains doivent être exécutés en entreprise comme le droit à la déconnexion tandis que d’autres feront l’objet d’un suivi. Le droit à la déconnexion a été formalisé dans une convention cadre, au même titre que le droit à la formation. Dès 2024, les travailleurs auront droit à cinq jours de formation par an. Ces décisions feront l’objet d’un suivi au niveau de chaque entreprise. 
Cela ne signifie pas pour autant que les partenaires sociaux sectoriels se croiseront les bras pendant un an, loin de là. Nous suivrons cette année, avec les syndicats, avec une grande attention trois sujets majeurs.  
Tout d’abord, nous tâcherons d’aboutir à des bonnes pratiques en matière d’intelligence artificielle à adresser aux entreprises d’assurance. 
Ensuite, nous nous concentrerons également sur l’« active aging » (le vieillissement actif) sachant que l’âge moyen dans le secteur est en hausse. Un séminaire de réflexion et d’échange sera organisé pour motiver les travailleurs dans le cadre de leurs carrières qui s’allongent et avec le passage de l’âge de la pension à 66 ans et bientôt 67 ans. 
Enfin, nous constituerons un groupe de travail avec nos partenaires syndicats pour mener une réflexion sur les sujets de la durabilité et de la mobilité durable. 
Parallèlement à ces projets, certaines mesures reprises dans l’accord sectoriel feront l’objet d’une évaluation.

4. Le secteur accorde une importance grandissante au bien-être des collaborateurs. Quelles initiatives ont été prises récemment pour renforcer cet aspect ?

L’organisation du travail dans le secteur est fortement orientée sur le télétravail et une combinaison entre le télétravail et le travail sur site. Pendant la crise du COVID-19 où le télétravail était prédominant, cela a généré des cas de burn-out. D’où l’importance du droit à la déconnexion où un cadre est à présent développé au niveau du secteur pour maintenir l’esprit de travail en équipe lorsqu’on se rend sur site et ainsi stimuler la sociabilité. Si l’on se rend au travail, ce n'est pas pour être silencieux, c’est aussi pour échanger. 
Nous nous sommes aussi associés à Fedris, l’Agence fédérale des risques professionnels, dans un projet de prévention du burn-out. Des formateurs de Fedris organiseront une journée ouverte aux travailleurs du secteur qui se sentent glisser vers le burn-out. Les participants, qui pourront s’inscrire dans le cadre d’un programme gratuit et sur base volontaire, pourront bénéficier d’un coaching. La formation aura lieu dans en-dehors des entreprises, dans un lieu neutre en présence de médecins du travail et de coachs à partir de début 2024. 
Par ailleurs, certaines entreprises ont déployé des EAP, Employee Assistance Program qui permettent aux travailleurs de faire part de leurs difficultés psychologiques à des professionnels à travers une ligne téléphonique mise à leur disposition.

5. Les partenaires sociaux se préoccupent-ils de l’intelligence artificielle et de son impact sur certains métiers dans le secteur ?

En mai 2022, nous avons organisé un séminaire avec les partenaires sociaux pour rencontrer des experts sur l’intelligence artificielle et son potentiel impact sur le secteur. Au moins deux entreprises d’assurance y ont témoigné de la manière dont elles ont encadré certains projets qui touchent à l’intelligence artificielle dans leur entreprise. Ce fut l’occasion de démarrer une réflexion sur le sujet. Et l’accord sectoriel qui vient d’être conclu contient un point relatif à l’intelligence artificielle à propos duquel nous souhaitons développer de bonnes pratiques à l’attention des entreprises. 
Certaines d’entre elles incluent déjà l’intelligence artificielle dans des plateformes destinées aux clients ou à travers l’utilisation de chatbots. Mais nous restons un secteur prudent en règle générale et passons par des projets pilote, des périodes d’évaluation et d’analyse ainsi que l’implication des équipes concernées avant d’implémenter de nouvelles technologies. 
En bref, nous savons qu’une menace potentielle due à l’intelligence artificielle plane sur l’emploi mais elle est difficile à mesurer à ce stade. En revanche, nous savons que le sujet aura un impact en termes de transformation des métiers. Je prends pour exemple l’informatique qui a changé nos habitudes sans pour autant remplacer l’humain. 
Aujourd’hui, ce que nous savons, c’est que le secteur incluera l’intelligence artificielle dans des procédures administratives laissant ainsi plus de place aux tâches plus complexes qui continueront de nécessiter l’intervention humaine.

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